Dans un monde d’hyper-compétition et de plus en plus complexe, les entreprises savent à quel point il est crucial de favoriser la productivité et la soutenabilité des collaborations au sein d’équipes de personnes aux cultures et compétences complémentaires. Mais comment fait-on cela ?

[Cet article a été publié dans le numéro spécial du Club Lecture Affaires consacré à la bienveillance. Le magazine complet est disponible ici.]

Dans ce monde toujours plus global, concurrentiel et complexe, le travail devient toujours plus collaboratif. Les études montrent que les équipes ont tendance à trouver de meilleures solutions aux problèmes que les individus. Un collectif innove plus vite, identifie plus rapidement les erreurs. Les recherches indiquent également que les personnes travaillant en équipe ont tendance à obtenir de meilleurs résultats et à déclarer une plus grande satisfaction au travail. Et, de fait, la Harvard Business Review relevait récemment que le temps consacré par les managers et employés à des activités de collaboration avait augmenté de 50% ou plus au cours des 2 dernières décennies. Pour améliorer leurs résultats, les entreprises doivent favoriser des collaborations plus productives et soutenables au sein d’équipes multi-culturelles et multi-compétentes. Mais comment fait-on cela ?

Comment améliorer la performance des équipes ?

La réponse n’est pas évidente car, comme en sport, il ne suffit pas de rassembler les meilleurs individus pour obtenir les équipes plus performantes. C’est même souvent le contraire. Alors, où chercher des pistes de progression ? Chez Google ! (Pas le moteur de recherche, mais l’entreprise). Car le business du géant de la technologie est particulièrement complexe, multi-culturel, en croissance accélérée et en innovation constante. Au cours des 12 dernières années, Google a dépensé des millions de dollars pour mesurer presque tous les aspects de la vie de ses employés. Qu’est-ce qui contribue à la performance ? Faut-il rassembler les introvertis ? Mettre ensemble les meilleurs ? Faire en sorte que tout le monde soit ami ? Favoriser des activités sociales entre employés ? Manquant de réponses fiables, Google a lancé le Projet Aristote, pour étudier des centaines d’équipes de Google et comprendre pourquoi certaines cartonnent et d’autres échouent. Après avoir recueilli et analysé un nombre considérable de données, l’équipe de chercheurs a décidé d’accorder une attention particulière à ce qu’ils appelaient des “normes”. Ce que les personnes décrivaient comme un comportement particulier, des “règles non écrites” contribuant de manière positive, neutre ou négative à la “culture de l’équipe”. Les chercheurs avaient en effet conclu que la compréhension et l’influence de ces normes de groupe étaient décisives. Restait à définir, parmi les douzaines de comportements identifiés, quelles normes étaient les facteurs clés de performance.

Quelle équipe choisiriez-vous ?

Vous êtes invité à rejoindre l’un de ces deux groupes. Dans l’équipe “un”, vous trouverez, en proportion équilibrée, des dirigeants aguerris et des managers moins expérimentés. Des vidéos de leurs réunions vous montrent que les participants prennent la parole puis écoutent. Chacun peut intervenir et compléter les pensées ou idées des autres. Quand un membre de l’équipe propose une digression par rapport au sujet initial, le groupe le suit. À la fin des discussions, la réunion ne se termine pas vraiment : chacun reste assis pour bavarder et parler de sa vie. L’équipe “deux” est composée de personnes exceptionnellement intelligentes et performantes. En réunion, ces professionnels attendent le moment où est abordé un sujet dont ils sont experts. Ils prennent alors longuement la parole pour expliquer au groupe ce qu’il faut faire. Lorsque quelqu’un fait un commentaire ou une digression, l’orateur s’arrête, rappelle à tout le monde l’ordre du jour et relance la réunion en ce sens. Cette équipe est efficace : pas de bavardages inutiles ou de longs débats. La réunion se termine comme prévu afin que chacun puisse retourner à son bureau. Choix difficile, n’est-ce pas. Les conclusions des chercheurs vont nous aider à voir plus clair.

Les deux attitudes partagées par les équipes performantes

Primo, dans ces équipes plus performantes, chaque participant dispose d’un temps de parole quasi équivalent. Les chercheurs appellent cela “l’égalité dans la distribution des tours de parole”*. Secundo, on trouve, dans ces équipes, une “sensibilité sociale moyenne” élevée.  Chacun peut se faire une bonne idée de comment les autres se sentent, en accordant de l’attention à leur ton de voix, leurs expressions faciales, leur regard, à leur communication non verbale. La plupart des membres de l’équipe semblent savoir quand quelqu’un se sent contrarié, découragé ou laissé de côté (alors que cette attitude, cette sensibilité envers leurs collègues, est nettement moins présente au sein des équipes inefficaces). En psychologie, ces deux traits constituent des ingrédients importants de ce qu’on appelle la “sécurité psychologique”. Amy Edmondson, professeure à la Harvard Business School, définit celle-ci comme “la confiance [partagée par les membres] que personne ne sera gêné, rejeté ou sanctionné par l’équipe pour avoir pris la parole”. Parmi les caractéristiques de ce climat, Edmonson cite la confiance interpersonnelle et le respect mutuel, qui se combinent pour que chacun se sente à l’aise d’être lui-même. Autrement dit, une culture de la bienveillance permettant à tous d’exprimer, sans crainte, leur richesse, mais aussi leur imperfection.

La première caractéristique d’une équipe performante c’est…

Les recherches de Google révèlent sans équivoque, que c’est la sécurité psychologique. Alors, quelle équipe aimeriez-vous rejoindre ? Vous me retrouverez dans l’équipe “un”. Nous pourrons y pratiquer l’art d’être bienveillant envers soi pour l’être davantage envers les autres. Nous expérimenterons les différences entre bienveillance “authentique” et “cosmétique”, ainsi que l’intérêt de mettre cette valeur précieuse au coeur de la stratégie d’une organisation. Bineveillance envers soi, bienveillance au sein de l’équipe, bienveillance entre les équipes et avec les fournisseurs-partenaires, bienveillance envers les clients (si bénéfique en terme de relation commerciale), et bienveillance envers l’environnement social et naturel. Vaste défi, mais au potentiel élevé pour la performance et la durabilité, ainsi que pour l’attractivité et la fidélité des talents.

Envie d’en parler ? Contactez-nous…

 

Pierre

*Comme le dit la chercheuse, Anita Woolley, “Tant que tout le monde a eu l’occasion de parler, tout se passe bien. Mais si une personne ou un petit groupe accapare tout le temps de parole, l’intelligence collective décline. »

Photo : Luis TostaUnsplash