Chaque année depuis 2010, une équipe de bénévoles dont j’ai la chance de faire partie rassemble 250 dirigeants privés et publics, désireux de partager une vision trans-disciplinaire de l’avenir, pour un monde durable. Ils ont ainsi le plaisir de découvrir des points de vue originaux et multiples, et d’échanger des idées avec les responsables d’autres organisations. 

La question qui nous a réunis cette année est celle du « Sens de la relance ».

 

une main tient une boussole

Relancer… Oui, mais pour aller où ?

Relancer, repartir, avancer, reconstruire… on en a tous envie après les coups d’arrêt, les aléas et les dégâts causés par la crise de la COVID-19… Mais il importe aussi de profiter de ce moment de rupture, pour questionner les sens de nos actions, croyances et modes de vie, en vue d’optimiser leur adéquation avec le monde que nous aimerions restituer aux prochaines générations. D’autant que d’autres crises s’annoncent déjà, dont les impacts seront bien plus sévères encore

Alors, redémarrer, oui… Mais comment et pour aller où ? Business as usual, pour un retour à la « croissance » et à la « rentabilité » ? Quelles autres priorités envisager, face aux enjeux d’aujourd’hui et de demain ? Comment tirer parti des défis qui s’annoncent plutôt que les subir ? Quels autres sens pourrions-nous donner aux mots « relance » et « croissance » ? Pourraient-elles nous servir à réinventer le monde ? À le régénérer ou même le réenchanter, en nous inspirant du triple lien dont nous parlaient Satish Kumar et Abdennour Bidar : lien à soi, aux autres et à la terre ?

Et pour vous, à titre personnel, quelle forme de relance ferait particulièrement sens à vos yeux, vous dotant ainsi de la force et du courage indispensable à sa mise en œuvre ? Et quel sens vos collaborateurs et autres parties prenantes pourront-ils identifier dans votre action, qui leur donnera envie de s’engager pleinement à vos côtés ?

Quel sens aurait grâce à vos yeux ?

Ces questions méritent toute notre attention. Elles nous invitent aussi à revisiter les postulats, limites réelles ou admises et autres « certitudes » sur lesquels nous nous appuyons pour fonder nos réponses.  À quoi sommes-nous convaincus d’être forcés de nous adapter, « parce qu’on ne peut faire autrement » ?  Et, partant de là, de quels dogmes, perçus comme des principes ou des contraintes immuables, aurions-nous besoin de nous affranchir pour que des solutions nouvelles puissent apparaître ?

Par exemple, pendant des décennies, le libéralisme a été considéré comme incontournable, jusqu’à ce que la crise de 1929 montre aux économistes et politiques que leurs convictions étaient erronées. A la fin des années ’30, le néo-libéralisme a pris le relais, prescrivant comme rôle prioritaire aux états et ensembles d’états (dont l’Europe) qu’ils créent les conditions pour que fleurisse le marché. Mais là encore, des limites sont atteintes ou dépassées. L’exploitation du progrès scientifique et technique à des fins de profits privés se révèle régulièrement contraire à l’intérêt général. Les richesses se concentrent. La taille de certaines multinationales les rend hors de contrôle des états, alors que leur activité dégrade leurs économies.

La concurrence et le télétravail atomisent le corps social, favorisant le stress, le burn-out, ou même le repli identitaire. L’université ne se voit plus qu’invitée à préparer les étudiants et les chercheurs aux besoins et intérêts du marché. La relation des humains entre eux et au monde s’étiole. La nature, dont ils ont oublié qu’ils font partie intégrante, se dégrade de manière accélérée, et avec elle le climat, la biodiversité, les ressources naturelles.

Cette déliquescence du monde s’accompagne de celle de l’espérance et de la confiance. Les mondes politiques, scientifiques, médiatiques ont perdu celle des populations qui incriminent des coupables ou les responsables d’un grand complot ourdi contre elles. Inquiètes, perdues, elles cherchent refuge auprès de leurs communautés, ultimes refuges pour ne pas se noyer dans ce que Marx et Engels appelaient les eaux glacées du calcul égoïste.

Comment en sortir par le haut ? En tant que dirigeant·es, parents et citoyen·nes, nos défis sont nombreux et immenses. Alors, dans quel sens orienter nos relances, pour qu’elles contribuent à corriger ces dysfonctionnements et à rétablir une harmonie et une qualité de vie sur terre, plutôt qu’en poursuivre la destruction ? C’est le thème de notre 12e université d’été à laquelle nous avons été heureux d’accueillir plus de 200 dirigeants.

Les conférences de la journée sont à revoir sur le site de notre association.

Envie d’en parler ? Contactez-moi…

 

Pierre

 

 

Photo : Ethan Sykes / Unsplash